Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon
Événément // Nuit de l’Utopie

JEUDI 28 JANVIER 2010.

« Tout tient radicalement à la politique » J.-J. Rousseau
« Les pensées de Lol lui venaient toutes en marchant » M. Duras

Le concept de nuit de l’utopie repose tout entier sur le constat suivant :
aujourd’hui une école d’art est par excellence le lieu de l’utopie et de l’innovation, mieux encore l’erba avec son bâtiment issu de la réflexion « moderniste » d’un José Luis Sert entretient avec ces deux termes, des rapports intimes, quasi consub- stantiels et ce d’autant plus qu’elle est enracinée à... Besançon !
Aussi, comme nous ne pouvions chercher à exprimer de manière exhaustive cet écheveau de relations, nous n’avons retenu de l’utopie et de ses imaginaires que quelques champs d’investigation comme autant d’étapes sur un chemin visitant :
L’entrée n’est pas l’accès habituel, il vous faudra rejoindre celle qu’avait rêvée Sert qui voulait l’école comme une rue qui reliait le savoir (la fac des sciences et son campus de la Bouloie) et le monde des affaires et de l’industrie (la zone industrielle de Trépillot).
L’œuvre de Vassili Teriakidis, emblème de la soirée, met en abîme cette terrible inégalité : d’une école d’art ne sortent que des images artisanales, comment comparer cette situation avec celles des puissantes industries qui produisent et inondent aujourd’hui le monde de masse d’images stéréotypées ?... Sous un tel bom- bardement incessant l’utopie est peut être pour nous de croire que la résistance s’organise...clandestine dans le secret des ateliers un tigre rôde bel et bien et n’est pas prêt à se laisser dompter...
Dans quatre bungalow quatre images fixes (Christian Caburet, Joël Desbouiges, Claudie Floutier et Jocelyne Takahashi) et pour nous le pari qu’on peut encore fixer sans zapper de telles œuvres ; l’utopie est de croire cela encore possible : le tête à tête avec une œuvre seule, le temps d’un morceau de musique.
Et si l’« anti-zapping attitude » était la dernière version du train fantôme de nos enfances ? Oser s’enfermer ainsi, en face à face avec de l’art, mais quel courage !
L’entrée (enfin !) celle qui propose une autre utopie : celle de l’art pour tous et du travail social, celle, fondamentale, du mieux vivre en créant. Marie-Cécile Casier, Fanny Gaillard et Julien Cadoret ont travaillé avec le ccas et de l’utomobile à « et s’il m’était donné la possibilité de... » vous pourrez découvrir le produit de leurs généreuses résidences. Le cahier des charges était clair et peut être impossible : ni instrumentalisation (un artiste n’est pas un travailleur social) ni voyeurisme (les difficultés ne font pas un spectacle).
Vous rentrez sans doute jusqu’à l’auditorium qui présente la science qui devient folle, qui rêve, qui divague... On oublie si souvent qu’un biologiste peut être un poète ou que le calcul fractal peut engendrer de drôles de jeux (merci à Frédéric Weigel).
Mais parfois l’on change aussi de registre, car cette raison qui déraisonne, cette utopie quand elle domine et administre, est par- fois, qu’elle renvoie aux pires moments de l’histoire humaine... L’auditorium assume cette angoissante postérité par son aména- gement collectif...
Pour se remettre d’une telle évocation vous irez ensuite voir l’œuvre de Emmanuel Gogneau, maquette de notre bâtiment à l’hon- neur durant cette promenade ! Dame blanche éclairée par la nuit...
Enfin comment ne pas passer par les beaux espaces de notre galerie où est exposée Copacabana n’existe pas ! De l’existence du territoire Rhin-Rhône, exposition autonome qui s’inscrit dans des présentations organisées d’expositions présentées par l’École l’an dernier mais passage obligé bien sûr de votre divagation et décrite plus loin dans son détail.
Et puis il vous faudra monter jusqu’à l’exposition Engagés Enragés qui s’installe volontiers dans l’utopie politique celle qu’on enterre à si bon compte comme s’il n’y avait plus d’artistes engagés, comme si art conceptuel, installations, et désengagement allaient de soi. Pourtant, les élèves menés par Gilles Picouet et Raphaël Galley à la Maison du Peuple, Per Hüttner, Allan Sekula, Jordi Colomer, Yona Friedman, Jean-Luc Moulène et Frédéric Nauczyciel ne semblent pas se satisfaire d’un souci de pure forme et dialoguent ici avec des archives de la lutte ouvrière tant liée à l’histoire de la ville mais aussi aux images et à la culture.
Alors sans doute redescendrez vous dans le jardin pour vous arrêter un moment loin des feulements du tigre vers les chèvres de Monsieur Moustache... Un discret hommage à Depardon et à ce qui risque de devenir une utopie un berger : un paysan, un paysage... ou pour songer mélancolique à Basile qui fixe la lune (Maxime Péroz). L’utopie nietzschéenne à son comble – et si nous acceptions tous de redevenir enfants ?
Aussi, pour vous remettre d’un tel itinéraire, vous faudra t-il sans doute vous servir une bonne soupe (une des quatre proposées venue chacune d’un univers gustatif marqué et différent), et alors, entre deux lampées, serez vous attirés par notre anti-clip, image animée, certes, mais d’un concert... vivant ! Elwis Presley Lieben Toten.
Alors sur ses accents urbains peut être aurez vous envie de trouver ces musiciens « en vrai » comme disent les tout petits... ou de recom- mencer l’itinéraire à nouveau, vous avez toute notre « nuit » pour cela ! Et votre voyage deviendra périple...

Laurent Devèze.


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