Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon
Conférence // Martine Derain
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JEUDI 3 DECEMBRE 2015
Auditorium
18h00

Martine Derain conçoit et réalise des interventions éphémères ou pérennes pour l’espace public. Les techniques sont diverses : papier, béton, photographie, cinéma… comme leurs lieux d’apparition : Marseille, Palestine, Maroc ou Suisse. Editrice, elle met en jeu ces créations dans l’espace de la page et du livre.
Elle a travaillé avec Laure Maternati, poète et éditrice, de 1994 à 1999, Dalila Mahdjoub, plasticienne et designer, de 1997 à 2005 et collabore régulièrement avec Hassan Darsi et La Source du Lion à Casablanca depuis 1996.
De 2000 à 2003, elle a partagé l’expérience de La Compagnie, atelier d’artistes implanté à Belsunce, Marseille, où elle a produit les expositions de Gary Hill, Muriel Modr ou les interventions de la compagnie de danse contemporaine Ex Nihilo.
C’est là qu’elle croise le chemin de l’association Centre-Ville Pour Tous, qui défend le droit des habitants actuels du centre-ville de Marseille. Cette complicité l’amène en 2004 à se placer avec l’association aux côtés des habitants de la rue de la République, menacés d’éviction dans le cadre de la réhabilitation en cours. Elle mènera parallèlement à cette action une "campagne" photographique sur la transformation de la rue et sera intégrée à l’équipe de recherche mandatée par le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA-MEDDAD) pour analyser cette mobilisation/participation exemplaire.
C’est pour rendre compte, plus largement et à tous, de cette expérience de longue durée associant habitants, artistes, militants et chercheurs, qu’elle crée en 2010 "les éditions commune". Suivant cette ligne, plusieurs titres ont paru depuis, dont la collection Récits d’hospitalité de l’Hôtel du Nord avec la conservatrice du patrimoine et historienne Christine Breton (c’est l’histoire renversée de Marseille, écrite depuis ses quartiers Nord) ou Cinéma hors capital(e) avec le collectif de cinéastes Film Flamme, pour faire l’histoire d’un cinéma oublié.
De 2011 à 2013, elle a été directrice artistique du Quartier créatif de l’Abeille à La Ciotat, résidence d’artistes et programme participatif de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture. Elle travaille depuis avec le cinéaste Jean-François Neplaz, fondateur du collectif de cinéastes Film flamme.

La méthode Derain.
Y-a-t-il une méthode "Martine Derain" ? Ou plutôt, en quoi le travail de Martine Derain soulève-t-il avec précision, entre art et politique, des questions de méthodes ? Déjà, ce questionnement, où se glissent l’imprévu, le jeu de l’artiste avec les codes, les pouvoirs, avec des petits bouts souvent dérisoires mais peut être d’autant plus vivants et plus redoutables, dépasse d’un cran qualitatif les simples évidences de beaucoup d’interventions artistiques pseudo-politiques, qui s’en tiennent trop souvent à une critique postpolitique, parfois jusqu’au cynisme le plus odieux. C’est déjà se situer au niveau de friction, de confrontation violente, entre un réel et ce qu’on en dit, dans des tensions réciproques, asymétriques. C’est déjà serrer les enjeux d’une situation avec sa complexité humaine, et la mettre en relation avec le sens qui lui est donné. Le politique a à voir avec l’institution de la parole, sa répartition dans la société, les fonctions terribles de la parole. D’où, toujours, et d’abord, et chaque fois, à partir d’une intuition, d’une rencontre, un travail implacable de documentation, et d’analyse, et ensuite un prendre-parti, une prise de position assumée, et ensuite, l’invention d’une forme, que cela soit pour l’idée formidable des tickets modifiés en passeur insaisissable de la ligne de bus entre Ramallah et Jérusalem,pour une intervention pérenne à l’intérieur d’un nouveau foyer Sonacotra (en collaboration avec Dalila Mahdjoub), pour la revue murale et urbaine Numéro (en collaboration avec Laure Maternati), ou pour un document sous forme de livre autour du parc abandonné de La Source du Lyon à Casablanca, jusqu’au militantisme au sein de Un centre ville pour tous autour de la rue de la République à Marseille dont l’artiste veut témoigner avec un travail documentaire.
Il y a finalement toujours quelque chose de la psychanalyse institutionnelle dans le travail de Martine Derain, au sens elle utilise un seul moteur, un désir qu’il faut dire moins politique que politisé. Loin d’être accablé par un tel projet dans sa rigueur, nous sentons au contraire que l’audace de sa raison libère notre légèreté, notre vie, ses interstices.

— Paul-Emmanuel Odin, 2009

www.documentsdartistes.org/derain
www.editionscommune.org
vimeo martine derain


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